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lundi 11 octobre 2010

Je voterai ENY si…


Accord politique d’Ivato, conférence nationale et référendum constitutionnel : voilà le triptyque musical sur lequel le DJ tente de nous faire danser, pendant que la Haute autorité de transition (HAT) tente de nous faire avaler des couleuvres. Cette stratégie est la dernière ratsirahonanerie en date, après l’échec de toutes les autres, à commencer par la confection de ces textes du 17 mars qui ont tenté de donner une base vaguement juridique au coup d’État. On se rappelle d’ailleurs que sur la base de ce texte, le pouvoir avait été remis à Andry Rajoelina pour 15 mois par le Directoire militaire, dont les membres furent fortement encouragés en ce sens après une séquestration de quelques heures. Ces 15 mois expirèrent en juin 2010. Personne ne pipa mot, et la Transition continua comme si de rien n’était. Par tacite reconduction ?
Le référendum constitutionnel prévu le 17 novembre n’est qu’un nouvel élément des manigances gasy du clan hâtif pour maquiller une situation véritablement unilatérale en solution faussement consensuelle. Le texte Constitutionnel, qui sur le plan juridique n’apportera aucune innovation majeure, a été concocté dans des conditions qui manquaient de sérénité et de volonté d’apaisement, et n’ont pas permis le recul nécessaire. C’est donc un texte bâclé, incohérent, et qui ne pourra en aucune manière protéger le pays contre de futurs abus et une future crise. D’ailleurs qui est encore assez naïf pour croire que les traficotages politiques actuels sont capables de ramener la sérénité ? On apprend par exemple que 40% des sièges du futur Parlement, deux chambres confondues, iront à Andry Rajoelina et sa clique (parti TGV et rassemblement UDR-C). La démocratie à la Malagasy a quand même du bon : voilà quelqu’un qui n’a pas eu le cran de se soumettre aux votes des électeurs nationaux, et qui obtient la part du lion dans l’assemblée des représentants du peuple. Vivement alors le texte de la Constitution pour la Vème République.
Que faut-il donc faire devant ce référendum ? Une fois qu’on a éliminé l’opinion des groupes extrémistes béats devant Andry Rajoelina ou nostalgiques de Marc Ravalomanana, trois écoles de pensées s’affrontent de façon intéressante.
Positiver. La première dit que la Constitution proposée n’est certainement pas le meilleur texte qui soit, et que les conditions de l’organisation du référendum ne sont pas idéales en matière de démocratie. Mais cette élection permet de faire avancer un tant soit peu les choses vers la sortie de crise, et donc il est préférable de faire avec le processus actuel, y compris avec ses lacunes, car le statu quo a encore moins de chances d’amener le pays vers une solution.
Abstention. La seconde affirme que le replâtrage que constituent ce texte et ce référendum ne peuvent apporter de solution durable, et que le véritable enjeu du scrutin est de légitimer la présence des hâtifs au pouvoir, et que par conséquent il vaut mieux pratiquer l’abstention.
Voter TSIA. La troisième, sur le même constat concernant l’enjeu, encourage cependant à voter TSIA (non) pour ne pas donner un boulevard désert à ce texte, et aussi pour saisir l’occasion de participer au nom des obligations citoyennes.
Pour ma part, alors que la campagne a débuté depuis plusieurs jours, je ne sais toujours pas quelle est la question qui va être posée. On sait donc tout juste qu’il y aura une question, et deux réponses possibles : oui ou non. Sans doute le Panoramix à tête d’Astérix est-il encore en train de tester avec l’aide de Miss Tick, de Gargamel et de la fée Carabosse toutes les formules de potion magique pour faire passer la pilule. Question possible, quoique peu probable : « Êtes-vous pour le changement » ? Car cette question stupide est souvent le leitmotiv des griots de la HAT. Quand on a vu le changement constaté depuis 2009 en matière de chômage, de mauvaise gouvernance, de fermetures d’entreprises et de croissance du banditisme, on constate qu’il y a effectivement eu changement drastique, mais plus en direction de l’anus que vers celle du cerveau. Alors il faut se poser la question s’il faut cautionner un changement qui n’a apporté que désolation dans ce pays, ou s’il faut demander un changement de ceux qui ont prétendu apporter le changement ?
Selon l’expérience de tous les référendums depuis le retour à l’Indépendance (voir ici un tableau de synthèse de tous les scrutins du genre préparés par Sahondra Rabenarivo), un référendum a toujours obtenu une réponse affirmative à Madagascar, quelle que soit la pertinence de la question posée. Le poids de l’électorat rural aidant, l’électorat urbain pèse finalement bien peu dans le scrutin, malgré ses grandes gueules et ses gros bras. En fait, en matière politique à Madagascar, la population urbaine ne pèse que quand un illuminé entraine des abrutis sur une place publique pour faire un coup d’État. Par conséquent, 5.000 à 10.000 personnes sur la Place du 13 mai se retrouvent tout à coup catapultées au rang de peuple malgache.
Comme je l’avais déjà mentionné ici, je suis depuis 2002 un abstentionniste, et ce pour une raison très simple : la conviction qu’avec la perversion du système politique à Madagascar, mon vote ne changera rien et n’influera pas sur le jeu malsain de la classe politique, si classe il y a. Aucune raison donc de me lever pour faire la queue à un bureau de vote, ou faire campagne pour ou contre un tel. Et mon point de vue est encore plus affirmé pour ce référendum et tous les scrutins que ce régime putschiste va organiser. Participer à ce référendum tape-à-l’œil est donc à mon humble avis une chose inutile, mais cet avis n’engage que moi. Car je me vois mal voter ENY à une opération folklorique, dont le seul objectif est de permettre après aux hâtifs de pouvoir dire à la face du monde : « vous voyez, nous sommes des démocrates, nous avons rendu la parole au peuple ». Et accessoirement, « accordez-nous maintenant la reconnaissance internationale ». Et l’essentiel : « ouvrez les robinets, car le bois de rose ne permet que de satisfaire les caprices des dirigeants, mais est insuffisant pour payer les instituteurs FRAM, le personnel universitaire et les magistrats ». Qui veut être complice de ça en cautionnant un tel scrutin ?
Ma paresse quasi naturelle, et que j’entretiens bien volontiers, me pousse à ne faire que les choses que j’estime vraiment utiles, même si cet avis n’est pas partagé par autrui. En particulier, devant la quasi-transparence des partisans du non, j’imagine déjà une large victoire du ENY, mais avec un taux de participation minable. Je rappellerai ceci à la HAT, même s’il est evident que ses membres sont trop nombrilistes et arrogants pour savoir tirer les leçons de l’histoire : l’expérience de Tsiranana en 1972, Ratsiraka en 1989, Zafy en 1993 ou Ravalomanana en 2006 montrent qu’à Madagascar, une large victoire électorale ne garantit ni la stabilité, ni la longévité au pouvoir. Et ceux qui se complaisent aujourd’hui à créer des dossiers bidon contre opposants et journalistes pour remplir les prisons et les listes d’exilés, demain se retrouveront à Antanimora pour exactement les mêmes motifs fallacieux. Comme au Rotary Club, la roue tourne toujours.
Pour moi, l’intérêt de ce référendum constitutionnel n’existe donc même pas. Par contre, si un jour on me posait une des questions suivantes, je voterai ENY sans hésiter si elles étaient mises sur la table :
  • Acceptez-vous que les responsables de la catastrophe économique, des pertes d’emplois et des faillites d’entreprises qui ont suivi le pustch soient condamnés pour sabotage économique ?
  • Acceptez-vous qu’une juridiction internationale indépendante juge l’affaire du 7 février et établisse toutes les responsabilités ?
  • Acceptez-vous que dans le cadre d’une réconciliation nationale, Didier Ratsiraka, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana soient mis sur le même pied d’égalité : tous pardonnés, ou tous condamnés ?
  • Acceptez-vous que tous les dignitaires du régime actuel de transition cèdent la place à des gens plus dignes, plus conscients de ce qu’est un État, plus compétents, plus intègres et plus respectueux de l’intérêt supérieur de la Nation ?
  • Acceptez-vous que le code Pénal soit appliqué sans ménagements contre les futurs auteurs de coups d’État et de mutineries, y compris jusqu’aux travaux forcés à perpétuité [1] ? Question subsidiaire : effet rétroactif à étudier…
  • Etc.
Voilà donc des questions qui au moins valent la peine d’être posées. Pour le reste, qu’on ne vienne pas déranger ma grasse matinée du 17 novembre juste pour que le Grand Hâtif se sente légitimé par le résultat bancal d’une élection tordue.

P.-S.

Désolé si les lecteurs attentifs depuis longtemps à mes humbles éditos ont sursauté en voyant le titre, qui aurait pu faire croire dans le contexte actuel que j’étais devenu fou…

Notes

[1] C’est mon statut d’habitant de la banquise qui m’interdit de demander la peine de mort.

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