Olivier Jenard
Quels sont les principaux problèmes humanitaires dans la région ?
Madagascar et les Comores sont les pays de la région les plus affectés par des problèmes humanitaires, exacerbés par des crises politiques qui engendrent parfois des situations de violence. Les gouvernements ne sont pas toujours à même d'assurer une réponse adéquate aux problèmes socio–économiques aigus de la population. Par exemple, dans le sud de Madagascar, l’insécurité alimentaire élevée, est certes chronique, mais résulte également d’une combinaison de facteurs comme les restrictions d’accès à l'eau ou les problèmes de développement.
Ce constat se ressent également en milieu carcéral, où le CICR soutient l'administration pénitentiaire afin d'améliorer les conditions de détention.
De plus, Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles sont des îles de l'Océan Indien, régulièrement exposées aux cyclones et cela affecte durement des populations qui vivent déjà dans une grande précarité.
Pour répondre aux situations d'urgence dues à la violence ou aux désastres naturels, les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont souvent en première ligne.
A Madagascar, la crise politique dure depuis deux ans. Quelles sont les conséquences humanitaires dans les lieux de détention ?
Une des conséquences de la crise actuelle a été la suspension d'une grande partie des projets de coopération internationale. Les ressources de l'État ont ainsi diminué, y compris celles allouées aux prisons.
Même si, pour le moment, le budget consacré à l'alimentation des détenus n'a pas été affecté, la réalisation de certains projets, comme par exemple la réhabilitation des installations sanitaires, a été partiellement suspendue. L'accès des détenus à des soins médicaux de qualité est devenu également plus problématique.
Est-ce pour cela que le CICR a renforcé ses activités dans les prisons de Madagascar ?
Oui, tout à fait. Nous sommes en train de renforcer notre équipe, avec notamment un ingénieur et un médecin, et de mettre en place un système de veille nutritionnelle. Nous avons pris cette décision afin de mieux répondre aux besoins humanitaires accrus en milieu carcéral.
Nous travaillons depuis plusieurs années dans les lieux de détention du pays. Nous soutenons les autorités pénitentiaires dans les prisons à Antananarivo et dans le sud, où il n'y a pas beaucoup d'autres intervenants. Ces lieux abritent environ 10 000 détenus, ce qui est plus de la moitié de la population carcérale malgache.
Pourquoi avoir ouvert cette année une délégation régionale pour l'Océan Indien ?
En plus de ses activités à Madagascar, le CICR soutenait déjà les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de la région en organisant et finançant des formations et, en cas de besoin, en leur distribuant du matériel.
Une autre activité que le CICR mettait déjà en oeuvre dans la région était la sensibilisation des forces armées et de maintien de l'ordre au respect du droit applicable en situation de violence.
Pour les Comores, Maurice et les Seychelles, ces activités s'effectuaient, jusqu’à fin 2010, depuis la délégation régionale du CICR à Nairobi. Compte tenu des similitudes socioculturelles, économiques et géographiques de ces pays insulaires, il est apparu plus cohérent d'intervenir depuis Madagascar.
Une autre raison est le fait que certains mécanismes de coordination humanitaire ont la même couverture régionale. Or, il est important d'avoir une bonne coordination et d'agir en complémentarité avec les autres acteurs humanitaires.
Quels sont les principaux défis de la délégation régionale pour l'Océan Indien en 2011 ?
Nous n'avons pas de problème d'accès aux lieux de détention et les administrations pénitentiaires malgache et comorienne, avec lesquelles nous avons un dialogue constructif, sont à l'écoute de nos recommandations. Cependant, assurer leur capacité à prévenir ou à faire face à des problèmes aigus, telle que l'insuffisance de nourriture, reste un de nos plus grands défis.
Pour l'ensemble des pays couverts par la délégation régionale, nous avons aussi une autre préoccupation. Un grand nombre d'organisations humanitaires travaillent grâce à des fonds reçus après le tsunami, en 2004. Comme ce financement est en train de s'épuiser, certaines ONG pourront être contraintes de diminuer leurs activités, voir de se retirer, avec les conséquences que l'on peut imaginer en termes de réponses aux problèmes humanitaires dans la région.