Après avoir été empêché par l’aviation civile malgache de rentrer de deux années d’exil en Afrique du Sud, le Président déchu Marc Ravalomanana multiplie les tentatives pour faire accepter son retour.
La semaine dernière, M. Ravalomanana a convié les journalistes sud-africains à une conférence de presse afin d’annoncer son retour à Madagascar. Les autorités malgaches, informées de cette décision, ont immédiatement mobilisé les forces de sécurité locales et invité le personnel de l’aéroport de Johannesburg à interdire le décollage de l’avion de M. Ravalomanana. L’ancien Président n’a pu, de fait, regagner le territoire malgache. En exil depuis deux ans à la suite d’un coup d’Etat orchestré par Andry Rajoelina – ancien maire d’Antanarivo et actuel Président de la transition –, Marc Ravalomanana a été condamné en août dernier aux travaux forcés à perpétuité pour son implication présumée dans la mort d’une trentaine de manifestants le 7 février 2009. Par conséquent, le ministre de la Justice malgache a indiqué que l’ancien Président serait arrêté puis emprisonné s’il parvenait à rejoindre la Grande Ile.
Depuis, des problématiques d’ordre politique sont venues s’ajouter à ces considérations judiciaires. En effet, le médiateur de la Communauté de Développement des Etats d’Afrique australe (SADC) a récemment publié une feuille de route détaillant le processus de négociation en vue d’un règlement de la crise malgache ; une concertation entre les différentes mouvances du pays a été préconisée. Ayant pris connaissance de cette publication, Marc Ravalomanana a indiqué qu’il souhaitait prendre part aux négociations nationales en tant que représentant d’une force d’opposition – le parti TIM –. Cependant, la SADC précise dans sa feuille de route qu’un retour de l’ancien Président constituerait un événement susceptible d’aggraver la situation politico-sécuritaire malgache. Ainsi, il est demandé à M. Ravalomanana de « s’abstenir de toute action déstabilisatrice » et de toute visite sur l’île « jusqu’à l’instauration d’un climat politique et de sécurité favorable ». En réponse à cette requête, le leader du TIM a réaffirmé son intention de « participer à la restauration de la démocratie » au sein d’un régime qu’il juge aujourd’hui illégitime. Depuis le blocage de son avion samedi dernier, il a ainsi contacté le médiateur de la SADC afin que ce dernier plaide en faveur de son retour à Madagascar.
Andry Rajoelina, qui dirige depuis mars 2009 la Haute Autorité de Transition, verrait son pouvoir déstabilisé par un possible retour de l’ancien Président. Samedi dernier, plusieurs centaines de partisans de M. Ravalomanana s’étaient rendus aux abords de l’aéroport d’Antananarivo. Parvenu à la tête de l’Etat à la faveur d’un soulèvement populaire et du soutien de l’armée, A. Rajoelina entretient depuis deux ans une situation d’instabilité qui ne semble plus convenir à une certaine frange de la population malgache. Ainsi, il est accusé d’avoir orchestré une modification de la Loi fondamentale à son profit (la réforme constitutionnelle du 17 novembre dernier abaisse l’âge limite de candidature à l’élection présidentielle) et de vouloir préserver son autorité au détriment du processus national de stabilisation. Ainsi, un report des élections législatives – initialement prévues pour le 16 mars – a récemment été annoncé ; la formation d’un gouvernement d’union nationale semble également compromise avant la tenue du scrutin présidentiel du 4 mai prochain.
Toutefois, à l’échelle nationale comme à l’échelle régionale, un consensus s’est formé autour de la médiation de la SADC. La fin de l’exil de Marc Ravalomanana constitue pour beaucoup un événement susceptible de remettre en cause une résolution de la crise malgache. Néanmoins, si son retour apparaît fortement compromis, la détermination de l’ancien Président et les problématiques que soulève son retour potentiel pourraient entraîner un regain de tensions dans le pays.