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mercredi 17 octobre 2012

Madagascar, le prix des mots


Vlan ! A chaque conférence de presse ou rencontre avec un chef d’entreprise, un élu, les quelque 800 journalistes de Madagascar reçoivent une calotte. La felaka (« gifle » en malgache) est une pratique généralisée dans cette île de l’océan Indien : elle consiste en une enveloppe de 10 000 à 15 000 ariary (4 à 5 euros) remise aux journalistes, officiellement pour rembourser leurs frais de déplacement. « Il ne faut pas se leurrer, on cherche à nous acheter, à influencer le contenu de notre article », confesse un reporter de Midi Madagascar, le premier quotidien francophone. L’Express, son concurrent, a beau avoir édicté son propre code de déontologie, un journaliste admet lui aussi toucher des enveloppes : « On reste libre d’écrire ce qu’on veut, mais dans la pratique on se sent redevable. »
Les patrons de presse, conscients que la faiblesse des revenus est la principale raison de cette corruption (le salaire moyen s’élève à 400 000 ariary, soit 150 euros), tentent d’en relativiser les conséquences. « Les felakas n’ont aucune incidence sur le fond, affirme Gérard Rakotonirina, directeur de la publication de Basy Vava, un tabloïd en langue malgache.Mes employés ne tiennent pas à salir leur réputation. »
Look de baroudeur fatigué, Olivier Rasamizatovo, directeur de la rédaction deMidi Madagascar, relativise : « 10 000 ariary, ce n’est pas très grave, on ne peut acheter un article avec une si petite somme. » Mais les liasses peuvent être plus épaisses. Reporters sans frontière rapporte que, en 2010, une entreprise de télécommunications avait lâché 500 000 ariary à chacun des professionnels venus couvrir son actualité !
Un journaliste de la Gazette de la Grande Ile rappelle par ailleurs que les felakas sont parfois distribuées après publication, « pour remercier l’auteur »… Sans oublier « les brebis galeuses » : les uns refusent d’écrire un article si leur interlocuteur ne prévoit pas d’enveloppe, les autres rechignent à réaliser des reportages auprès de simples villageois, faute de rétribution. D’où, dans la presse malgache, des articles très institutionnels et débutant souvent par la liste des organisateurs de l’événement…

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