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lundi 25 mars 2013

Robivelo Adrienne Rodolphe, Le christianisme et l’usage des plantes médicinales à Madagascar : relecture, réconciliation, réhabilitation


1La thèse en théologie protestante d’Adrienne R. Robivelo donne un éclairage sur la place des plantes médicinales pour une chrétienne malgache décidée à défendre leur usage. Le point de vue est d’autant plus intéressant qu’il s’agit du témoignage de l’auteure elle-même, à la fois convaincue du rôle que peuvent jouer les plantes médicinales dans l’économie de son pays, certaine de leur potentiel thérapeutique, et décidée à démontrer que recours à la médecine traditionnelle et pratique de la foi chrétienne ne sont pas incompatibles.

2Pour Adrienne Robivelo, le rejet dont la médecine traditionnelle a été l’objet de la part des chrétiens malgaches est la conséquence d’un enchaînement de malentendus et d’erreurs. D’une part, elle identifie des raisons politiques et économiques. En particulier seraient responsables de cette situation l’implantation européenne rejetant à ses débuts toute forme culturelle rappelant la typicité malgache par idéologie politique, de même que l’adhésion sans restriction à ce modèle imposé par un effet d’illusion qui confond étranger et panacée. D’autre part, elle recourt à plusieurs arguments théologiques. Elle reprend l’idée proposée par plusieurs auteurs selon laquelle la religion malgache des ancêtres n’est pas un polythéisme, mais bien un monothéisme, et doit donc être envisagée comme respectable par le chrétien. L’usage des plantes médicinales ne peut donc plus être rejeté sous le motif de son association au paganisme. Elle identifie ensuite dans les versions malgaches de la Bible l’argument d’une erreur de traduction sur les termes hébreux et grecs signifiant médicament et médecin, erreur qui aurait conduit les chrétiens malgaches à rejeter plantes médicinales et guérisseurs.

3Cela conduit l’auteure à une discussion sur les traductions de ces termes dans la première version protestante (1835), dans la version reçue de 1908-1909, toujours en usage dans les églises protestantes, et dans les traductions catholiques (1938) et œcuméniques (DIEM, 1991 pour le Nouveau Testament, 2003 pour la Bible entière). Après un examen soigneux, elle conclut que le terme pour médecin mpanao fanafody (litt. « faiseur de remèdes ») avait à l’origine un sens positif, puisque le mot fanafody, qui traduit « remède », a lui-même un sens positif, ce qui est confirmé par le fait qu’en un cas, la version catholique de 1938 rend la même notion par fanasitranana tsara (litt. « bon remède »), montrant ainsi qu’il s’agit d’un élément bénéfique, fait pour soigner. Pourtant, l’expression mpanao fanafody a aujourd’hui une connotation nettement péjorative, du fait qu’on sous-entend fanafody gasy (« remèdes malgaches », c’est-à-dire remèdes indigènes, remèdes locaux), équivalent de mpanompo sampy (« ceux qui servent les idoles »). Car « Jésus se compare lui-même, selon la version de 1908, à un mpanao fanafody »dans des versets de l’Évangile, par exemple en Marc 2,17. Pour l’auteure, la « condamnation des mpanao fanafody » provient alors d’une « erreur grave » de traduction, qui remonte à la version de 1835, dans laquelle les médecins désignés par ce terme peuvent être confondus avec les mpanao ody, mot qui désigne « ceux qui pratiquent la sorcellerie et le charme, fortement condamnés ».

4Même si on n’adhère pas au détail de l’interprétation proposée par A. Robivelo — il est probable que dans le contexte de 1835, mpanao fanafody, mais aussi bien mpanao ody, désignait le soignant ou le guérisseur sans nuance particulière de condamnation —, les tableaux qu’elle présente ont un grand intérêt. Là où la version de 1835 hésitait entre mpanao ody et mpanao fanafody, on voit celle de 1908 généraliser la seconde expression, et introduire dans de rares passages le mot d’emprunt dokotera. La version catholique (1938) garde quelques occurrences de mpanao fanafody, mais emploie le plus souvent dokotera, et une fois mpitsabo (« soignant »), tandis que la DIEM généralise dokotera partout, sauf en un passage où elle emploie mpitsabo. Ces traductions successives montreraient donc plutôt la transformation du sens des mots, et, par conséquent, de l’appréciation par la société malgache des pratiques de soins.

5La chercheuse identifie ensuite dans la Bible des éléments qui lui permettent de soutenir que l’utilisation des plantes médicinales fait partie du message chrétien. Son objectif étant de « revaloriser des produits de la nature », elle voit dans l’action du Christ même des signes allant dans ce sens. Par exemple, lorsque Jésus utilise salive et boue, techniques thérapeutiques de guérisseurs déjà pratiquées par ses contemporains, c’est d’après elle « pour revaloriser et réhabiliter les produits de la nature dénigrés et rejetés du fait qu’ils sont utilisés dans la thérapie païenne » (p. 211). De cette idée, elle déduit un raisonnement similaire au sujet des plantes médicinales malgaches qui, quoique associées parfois à des rituels de guérison faisant appel à des pratiques magiques, doivent être envisagées comme des créations divines que le chrétien doit apprendre à exploiter.

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