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mercredi 18 août 2010
Banque mondiale : en attendant le rapport sur l’accaparement des terres africaines
Par Marie Joannidis / MFI
(MFI / 17.08.10) La polémique autour de l’accaparement de terres, en particulier en Afrique, est relancée par une étude de la Banque mondiale qui tarde à être publiée alors que le cours du blé repart à la hausse et que plusieurs régions dont le Sahel et la Corne de l’Afrique sont à nouveau menacées de famine. A l’origine de cette nouvelle controverse, le quotidien britannique Financial Times, qui a publié fin juillet des extraits de l’étude qui lui est parvenue à la suite d’une fuite. Sa source déplorait le retard pris par la Banque.
Selon le journal britannique Financial Times, l’ébauche du document, que des représentants de la Banque mondiale à Washington affirment ne pas avoir encore finalisé, brosse un tableau particulièrement alarmant sur la mainmise sur des terres agricoles des pays les plus pauvres par des investisseurs étrangers, notamment en Afrique. L’étude estime que les investisseurs ciblent des pays avec des lois faibles, achetant ou louant à bas prix des terres arables et ne respectant pas les promesses concernant la création d’emplois et d’investissements productifs.
Le rapport intitulé « La ruée globale vers les terres peut-elle générer des bénéfices durables et équitables ? » devait être l’étude la plus approfondie sur l’acquisition de terres agricoles par des pays étrangers à des fins de cultures pour assurer leur sécurité alimentaire ou pour produire des agro-carburants.
Le sujet avait créé un grand scandale en 2008 quand la firme sud-coréenne Daewoo avait tenté de louer pour 99 ans une vaste superficie à Madagascar à un prix très bas, accord qui avait favorisé un coup d’Etat sur l’île et qui a été depuis dénoncé.
Selon l’ébauche de l’étude, la Banque mondiale préconise le lancement d’une Initiative sur la transparence des terres comme cela est déjà le cas pour les industries extractives où il est demandé aux gouvernements de publier les revenus issus du pétrole et des produits miniers.
Si l’étude fait état de quelques succès concernant l’acquisition des terres en Amérique latine ou en Tanzanie, elle dénonce l’exploitation par des investisseurs qui manquent de l’expertise nécessaire ou sont plus intéressés par des gains spéculatifs.
Les chiffres globaux de cette mainmise sont encore imprécis mais la Banque mondiale indique que les données officielles fournies par certains pays font état de larges transferts : 3,9 millions d’hectares au Soudan et 1,2 million en Ethiopie entre 2004 et 2009.
Les gouvernements refusent de fournir les informations
Les « clients » sont de multiples nationalités : des Asiatiques en commençant par les Chinois mais aussi des Arabes du Golfe forts de leurs pétrodollars ou même des Européens. Et les terres qu’ils convoitent sont souvent habitées. Cette ruée touche de nombreux pays africains, y compris le Ghana, le Mozambique, la Namibie, le Cameroun, la RD-Congo ou le Congo-Brazzaville où des fermiers blancs d’Afrique du Sud envisagent de s’installer.
Ainsi, à quelques exceptions près, les investissements étrangers, activement encouragés par la SFI, la filiale de la Banque mondiale pour le secteur privé, auraient fait davantage de mal que de bien à l’Afrique. L’organisation non gouvernementale Grain qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité avait déjà fait état, en mai dernier, de ses doutes concernant la volonté de la Banque mondiale de publier rapidement son étude.
« Depuis que la Banque mondiale a commencé à compiler les données, des raisons politiques n’ont cessé d’entraver la publication des résultats. L’étude était censée initialement sortir en décembre 2009, puis en mars 2010 », affirme l’ONG. Selon elle, la Banque avait l’intention de faire une étude complète de 30 pays qui représentent les points chauds sur la carte mondiale de l’accaparement des terres. Cependant, elle a dû sérieusement revoir son projet à la baisse car, de son propre aveu, les gouvernements ont refusé de lui fournir les informations et les multinationales n’ont pas été plus loquaces.
La SFI faciliterait l’accaparement des terres
La Banque a par conséquent choisi de fonder son étude sur les projets dont ont parlé les médias et qu’on retrouve sur le site farmlandgrab.org. La Banque a ainsi identifié presque 400 projets répartis dans 80 pays dont près du quart (22 %) sont en cours de réalisation. La plus grande partie (37 %) de ces projets d’investissement est destinée à produire de la nourriture (cultures et élevage), tandis que les biocarburants arrivent en deuxième place (35 %). L’Afrique est la cible de la moitié des projets d’accaparement des terres, suivie par l’Asie, l’Amérique latine et l’Europe de l’Est.
Selon Grain, la Banque révèle qu’en Afrique, c’est le Soudan qui est au premier rang, suivi par le Ghana et Madagascar. En Asie-Pacifique, l’Indonésie est à la première place devant les Philippines et l’Australie. En Amérique latine, le Brésil est le pays le plus convoité, devant l’Argentine et le Paraguay. Pour ce qui est du pays d’origine des accapareurs de terres, la Chine et la Grande-Bretagne arrivent tous deux en tête, suivis par l’Arabie saoudite, ajoute l’ONG. Un rapport « accablant » produit par un centre de recherche américain, l’Oakland Institute, accuse quant à lui la SFI de faciliter « l’accaparement des terres » en Afrique par des groupes privés étrangers.
Les agissements de la SFI, notamment la promotion des « investissements directs dans le secteur agricole, posent la dangereuse question de la terre dans des pays déjà parmi les plus vulnérables », notent les auteurs du rapport.
Une étude réalisée en 2009 par l’Institut international pour l’eEnvironnement et le développement (IIED, Londres), à la demande de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds iInternational pour le développement agricole (FIDA), montre que les transactions sur la terre peuvent créer des opportunités (débouchés garantis, emplois, infrastructures, hausses de productivité agricole) mais peuvent aussi causer des dommages si les populations locales sont exclues des décisions et si leurs droits fonciers ne sont pas protégés.
Les inquiétudes concernant la sécurité des approvisionnements alimentaires ou en énergie sont des motivations-clés pour les acquéreurs, mais d’autres facteurs tels que les opportunités de profit, la demande de matières premières pour l’industrie ou l’action des pays d’accueil jouent aussi un rôle. L’étude révèle que beaucoup de pays n’ont pas de mécanismes suffisants pour protéger les droits locaux et prendre en compte les intérêts et moyens d’existence des populations locales.
Le rapport appelle à une appréciation prudente des contextes locaux, y compris concernant les utilisations et formes actuelles de contrôle des terres ; à une sécurisation des droits des communautés locales ; à une implication des populations dans les négociations ; et à n’approuver la cession des terres qu’après leur accord préalable libre et bien informé.
Marie Joannidis
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